On est bombardés par les images en plan sur les écrans. On entend de la musique et des conversations diffusées en permanence dans tous les lieux publics. Ce sont nos deux sens tellement débordés que notre cerveau est parfois en état de détresse. C’est inouï puisqu’il nous reste trois autres sens. Surcharge nerveuse de deux et les trois autres sont au chômage: le toucher, le goût et l’odorat. Les trois pauvres de nos systèmes….secouons ce gouvernement cérébral me suis-je dit.
Je me suis levée de mon lit en me demandant ce dont j’avais le goût. J’avais un peu de jeu dans mon horaire. J’ai commencé par aller marcher autour du parc Lafontaine, à un rythme qui me mette du rouge aux joues et me donne la sensation d’un peu de vent autour de la silhouette. Puis, comme je traversais les allées piétonnières gorgées de jeunes feuillages, les odeurs vertes ont commencé à plonger fluidement devant moi, comme si elles m’ouvraient le passage.
Revenue chez moi, sortie de la douche brumeuse et épaisse, je me suis demandé : quel est mon goût du moment ? Un thé japonais, au parfum d’herbe fumée. Ensuite, j’ai griffonné avec mes crayons de couleur Staedtler cette femme qui mange un bout de quelque chose de croquant. Le goût de créer, créer du sens, le goût des sens, le goût de manger, de sentir que je vis et que je donne toute la place à ce qui permet de bien vivre.
Pour moi qui n ‘ai aucun intérêt pour les recettes ni les formules de succès, moi qui ai vigoureusement échoué toutes mes tentatives de suivre des recettes « marketing », suivre mon goût est la seule approche qui me sécurise. Elle est gratifiante, elle ne garantit rien mais offre une sensation de savoir immédiat. Le goût est, pour moi, le sens de l’expérience par excellence.
Pour cette raison, je vous encourage à le suivre : le goût mélange les effluves de liberté et d’obéissance intime à ce parfum de vie. Ineffable le goût. Ineffable.